5 — Aire de pique-nique des Dunes Noyon (Rue Jean Bart, Marck) :

 

« Qui parle ici ? » 

 

Qui parle ici ? En faveur de qui ? Contre qui ? Et au-devant de qui ?

Qui ne parle de rien ici ? Et au nom de qui et de pas qui ?

Que signifie parler ? Et qui parle pour dire quoi ?

Quelle langue pour ceux qui ne parlent pas ?

Quelle langue pour ceux qui n’arrivent pas à parler ? 

Comment arriver à parler sans donner des ordres, sans prétendre représenter quelque chose ou quelqu’un ?

Que signifie nous-mêmes, ici et aujourd’hui ?

—Pour cela nous nous taisons nous écoutons 

—Pour cela nous posons des questions

—Pour cela nous posons des questions communes

Dans un espace collectif, sensible

Un espace démultiplié, un espace de sable, de dunes, de mer et de béton

Un espace de clairières, de forêt et d’herbes

Avec qui ne pas parler, avec qui se taire ?

Avec qui faire commun ensemble ?

Avec qui avoir une nouvelle idée en tête ?

Et que faire avec tout ce silence ?

Ce silence de tout un peuple

Ce silence de tous les peuples qui habitent ou ont habité ou habiteront ici : le peuple de la forêt, qui est le peuple du ciel, qui est le peuple des routes et des chemins, qui est le peuple de la dune et des polders, qui est le peuple de la mer, qui est le peuple des sables et des oyats et des ronces et des coquillages trouvés sur la grève, qui est le peuple des étangs, qui est le peuple de la jungle, qui est le peuple de tout un peuple, une communauté enfouie dans le désert de la mer, une communauté enfouie dans le désert du sable et du ciel et du silence 

Poser de nouvelles questions, de nouveaux cris

Inventer de nouveaux corps, de nouvelles phrases

Une mer encore, une forêt encore

Inventer un espace commun, collectif

De nouveaux modes d’existence

Et nos ombres — l’état obscur du monde

Le désir de tous ces corps muets

—contre les phrases lues un millier de fois

—contre les phrases prononcées un millier de fois

La marchandise idéologique dans les têtes

Le sang et la merde idéologique dans les corps

Que faire quand on ne voit rien — plus rien ?

Que dire quand on ne sait plus rien voir — peut plus ?

Quand rien ne peut plus se dire — que faire ?

Sans phrases pour que les peuples se taisent, pour les peuples qui se taisent

Les peuples à venir, ils sont où ?

Et comment arriver ? Comment arriver à faire parler ceux qui n’ont pas le droit ? 

 

On serait au commencement, des choses, de la vie, de la mémoire du monde